Récemment, l’enfant de mon voisin m’a demandé ce qu’était la guerre. J’étais à court de réponse significative. Comment lui répondriez-vous ?
Kurkow
La guerre est un dialogue de balles et de missiles tandis que la vie est un dialogue de mots et de sentiments.
La guerre mange ses enfants. Que mange-t-il d’autre ?
Kurkow
La guerre détruit tout ce qui a été créé avec amour en des temps paisibles. Les maisons, les jardins, les bateaux, tout ce qui est beau, sont réduits en ruines.
Lorsque vous écrivez, est-il difficile pour vous de vous concentrer sur un sujet spécifique en temps de guerre ?
Kurkow
C’est presque impossible. La guerre divise la vie en mille petites particules, et chaque particule veut que son histoire soit racontée. La guerre fait partie de notre histoire, mais elle est en réalité la cause de millions de drames et d’histoires.
Comment faites-vous pour ne pas perdre complètement votre sens de l’humour ?
Kurkow
Mon humour vit grâce à l’humour des autres, notamment des militaires du front. Ils publient des vidéos avec des blagues et des commentaires ironiques. Je l’aime.
Il est toutefois à craindre que vous deviez continuer longtemps votre journal de guerre.
Kurkow
J’en ai marre d’écrire sur la guerre, mais je ne peux pas travailler sur autre chose pour le moment. J’écris moins maintenant que dans les premiers mois de la guerre. Je continuerai à écrire tant que durera la guerre, mais en même temps j’essaierai de revenir à mon roman interrompu.
Ils surveillent le président russe Vladimir Poutine et sa politique depuis des décennies. Depuis le 24 février, cela vaut-il encore pour vous une réflexion plus approfondie ?
Kurkow
Pas vraiment. Il a oublié ses mensonges et récits précédents, et à chaque fois il produit de nouveaux mensonges qui contredisent ses mensonges précédents. Sa haine pour l’Ukraine, les valeurs occidentales et la civilisation est extrêmement transparente. Il n’y a rien d’étonnant, ni dans ses propos, ni dans ses actes.
Encore l’enfant de mon voisin : « C’est un zombie ? », a-t-il demandé lorsque Poutine est apparu sur l’écran de télévision. Pouvez-vous appeler Poutine comme ça ?
Kurkow
Il pourrait être décrit comme un zombie dans la mesure où il est dominé par son obsession de rester dans l’histoire de la Russie comme un leader d’époque qui « a redonné sa grandeur à la Russie ». Poutine ne contrôle pas cette obsession, il ne contrôle pas sa haine envers ceux qui ne lui ont pas permis de « redonner sa grandeur à la Russie ». Il est contrôlé par sa haine.
Votre journal est-il écrit pour notre présent ou pour notre avenir ?
Kurkow
Certainement pour l’avenir. De nombreux écrivains ukrainiens ont arrêté d’écrire de la fiction et écrivent des journaux et des essais qui peuvent être utilisés comme preuves de crimes. Je collectionne également des fragments des crimes de Poutine pour les garder en mémoire.
Quand pensez-vous pouvoir commencer votre futur « Journal après la guerre en Ukraine » ?
Kurkow
Je suis prêt à commencer un tel journal à tout moment. Mais je ne pense pas commencer à y travailler avant l’été prochain.
Andrei Kurkov : Journal d’une invasion.
Traduit de l’anglais par Rebecca DeWald,
Haymon, 343 S., EUR 19,90
